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Avant de le laisser partir : un changement de couverture qui fait réagir

Pluie de commentaires sur la page Instagram de City Editions. La couverture française du livre Avant de le laisser partir de Kennedy Ryan a attiré de nombreuses critiques en août dernier. On peut y voir des marguerites sur un fond bleu alors qu’une femme noire avec un afro apparaît sur la version originale. Certaines bookstagrameuses se sont même insurgées sur les réseaux sociaux pour dénoncer une méthode d’invisibilisation.

Couverture française
Couverture originale

Un manque de respect et une invisibilisation des personnages noirs

« C’est une blague ? » : voici la première réaction de Margaux Rakotoarivony, du compte Instagram @readingvibz, quand elle a vu la couverture française du livre Avant de le laisser partir de Kennedy Ryan, publié aux éditions City et en librairie depuis le 18 septembre. Margaux avait d’ailleurs exprimé son mécontentement en story le 31 août.

Le même jour, Élodie-Aude Arnolin, autrice et bookstagrameuse derrière le compte @labooktillaise, publiait des stories et une vidéo TikTok pour expliquer les conséquences, d’après elle, d’un tel choix éditorial. Elle parle même de « malhonnêteté intellectuelle », soit une utilisation déloyale d’arguments en vue d’une orientation particulière de la pensée. « La couverture s’éloigne du genre du livre. Là, on dirait un bouquin de développement personnel. On ne comprend pas que c’est de la romance », explique-t-elle.

Pour les deux vingtenaires, il y aura aussi des conséquences sur les ventes. Ce qui désole Margaux : « personne ne va s’arrêter dessus alors que c’est un livre exceptionnel dans lequel il y a de nombreuses représentations et qui peut parler à beaucoup de monde ». Elle dénonce également un choix déplacé vis-à-vis de Kennedy Ryan. « C’est un manque de respect pour le contenu du livre et pour l’autrice qui avait défendu sur les réseaux sociaux son choix d’avoir une femme noire en couverture de son roman », indique-t-elle. Pour Élodie-Aude, en faisant ce choix, « la maison d’édition participe à l’invisibilisation des personnes noires, mais aussi empêche les lecteur·rices qui pourraient s’identifier de le remarquer ». Et ce n’est pas la première fois que les lectrices constatent qu’il y a un décalage entre la description des personnages et la façon dont ils sont dépeints en couverture.


Un problème récurrent

Élodie-Aude donne l’exemple de la série Les Chroniques lunaires de Marissa Meyer, aux éditions PKJ. Sur les couvertures, on retrouve les caractéristiques des princesses Disney alors que leur description dans l’histoire est tout autre. Dans le premier tome, le personnage de Cinder est asiatique, mais la couverture laisse à penser qu’il s’agit d’une femme caucasienne. Quant au personnage de Winter, en 2016, elle ressemblait en tout point à la princesse du dessin animé, avec sa peau très blanche et ses cheveux lisses, alors qu’elle est décrite comme une femme noire. « Quand je l’ai lu la première fois, je me suis tellement concentrée sur la couverture que je n’ai pas compris. Et à ma deuxième lecture, j’ai réalisé que Winter était une femme noire à la peau foncée et que l’autrice le mettait vraiment en avant », raconte Élodie-Aude. Il aura fallu attendre 4 ans avant le changement de couverture de ce quatrième tome. Depuis 2020, la forme du visage et la texture de cheveux de Winter sont différentes. En revanche, sa couleur de peau n’a pas changé.

Une autre couverture qui a fait parler d’elle est celle du livre Eliza est féministe de Michelle Quach, aux éditions Gallimard Jeunesse. À sa publication, en 2022, les personnages asiatiques montrés sur la version originale ont laissé la place à des casiers bleus avec le titre tagué en jaune. La maison d’édition a rectifié le tir en juin dernier avec la sortie du format poche.

En ce qui concerne Avant de le laisser partir, rien ne laisse à penser qu’une modification sera apportée à la couverture. Face aux nombreuses critiques sur sa page Instagram, City Editions s’est exprimée en commentaire et s’est dit « navrée que la couverture ne convienne pas ». Avant d’ajouter : « le but était de correspondre à la mode actuelle du marché français, il n’y avait absolument aucune mauvaise intention de notre part ». Pour Élodie-Aude, la maison d’édition n’a pas analysé le marché français actuel du livre. Même son de cloche du côté de Margaux : « ça n’a pas de sens. Le livre Vous êtes sur le portable de Sam a été traduit en français en 2022 avec exactement la même couverture. Ils ont même repris la police du titre ». La bookstagrameuse se questionne : « pourquoi avec un couple asiatique on arrive à faire un copier-coller, mais pas avec un livre avec une femme noire ? » Pour elle, c’est essentiel aujourd’hui de se voir représentée autant sur les couvertures que dans les récits.


Le choix des couvertures compte !

Et ce, que ce soit dans les habitudes quotidiennes ou les appréhensions que l’on peut avoir quand on est une personne racisée et que l’on rencontre sa belle-famille blanche. « Je vais m’inquiéter de leur réaction et des questions du genre “tu viens d’où ? D’Afrique ? De Madagascar ? C’est pareil non ?” Ça, c’est ma réalité et on a besoin de la voir dans les livres », insiste-t-elle. Élodie-Aude est du même avis : « De l’enfance à l’adolescence jusqu’à l’âge adulte, on se construit avec les magazines et les livres qu’on lit, les séries et les films qu’on regarde. Et à force de ne pas se voir, on arrive à se demander si on compte, si on est légitime à être dans l’espace public. Est-ce qu’il y a un problème avec ce à quoi je ressemble ? »

Les deux lectrices proposent des pistes pour une meilleure représentation des personnes non blanches en littérature. Plus de traducteur·rices racisé·es dans les maisons d’édition, l’achat de la couverture originale ou encore un bon plan marketing. « Il faut envoyer les livres aux influenceur·ses, demander à ce qu’ils soient mis en avant en librairie, faire des affiches », énumère Élodie-Aude. Margaux évoque de son côté la relecture par les personnes concernées et plaisante : « pour le livre de Kennedy Ryan, je l’aurais fait gratuitement. S’il avait fallu être à Paris, je serais monté à Paris pour pouvoir le relire ! »


Contactée, la maison d’édition n’a pas répondu à nos sollicitations.


Wendy (she/her) est la chroniqueuse spécialisée en littérature BIPOC pour Cornée mag. Elle est journaliste, acheteuse compulsive de livres et productrice du podcast Litté'Racisée. Un podcast qui met en lumière les expériences des minorités à travers les littératures racisées.


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Cornée est une création de l'agence éditoriale Miralta Édito

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