Depuis le 2 octobre dernier, une nouvelle librairie indépendante a ouvert ses portes à Toulouse. Après 17 ans de salariat, la fondatrice et libraire Chloë a décidé de raconter sa propre histoire. Pour ce faire, elle a choisi le quartier de Faubourg Bonnefoy, où les habitant·es ont envie « de consommer sur place et de créer du lien », mais elle a aussi aménagé un espace qui lui ressemble.
Une librairie pensée dans les moindres détails
Chloë a pensé à tout. Chaque élément fait référence à des choses personnelles, à des livres mais aussi à des symboles. À commencer par le nom de sa librairie : Paysages Humains. C’est le titre qu’a choisi le poète turc Nâzim Hikmet pour son livre écrit en prison et publié en 1973 aux éditions Maspero dans la collection « Voix ».
À propos des couleurs choisies pour représenter le lieu, le vert vient de la collection « Biophilia », des éditions José Corti. « Ce sont essentiellement des textes naturalistes, ils ont tous une couverture verte, mais forcément en fonction de l’imprimerie, il y a plusieurs nuances. Je voulais me référer à ça pour parler du vivant, avec le fait de se réancrer avec la nature », explique Chloë. Quant au rose fluo, il fait référence à certains travaux des autrices et illustratrices Kitty Crowther et Beatrice Alemagna mais aussi au titre Les montagnes de l’auteur égyptien Walid Taher, publié aux éditions Le port a jauni. Pour le logo de la librairie, Chloë voulait « un animal au féminin donc l’hirondelle, symbole de migration ».
« Tout ça vient faire un combo de choses pertinentes pour moi, mais qui, pour autant, peut raconter quelque chose aux autres », détaille la libraire, avant d’ajouter : « c’est important pour moi de mettre du sens un peu partout, en tout cas où ça fait sens pour moi. C’est un peu comme un sac à dos dans lequel tu mets des petites choses pour t’accompagner ». En plus d’avoir créé une identité visuelle qui a une signification, elle a aussi apporté sa touche personnelle dans l’organisation de ses rayons.
Des livres classés par continent et non par genre littéraire
« En littérature, je voulais réfléchir à comment ne pas reproduire l’assemblage habituel à partir du classement linguistique. Je me disais qu’en faisant comme ça, j’allais encore reproduire un rapprochement lié aux colonies et à la colonisation », explique Chloë. Elle a donc choisi un classement géographique par continent. Les visiteur·ses trouveront donc du polar à côté de l’imaginaire. Seule exception avec la France hexagonale « pour des raisons d’accompagnement, pour éviter de perdre les client·es ».
La libraire, ayant fait des études de langues arabes, a aussi voulu mettre en lumière cette littérature. En créant le rayon « Machreq », mot arabe qui signifie « Le Levant » et qui désigne l’Orient arabe, Chloë souhaite interpeller le public sur le racisme quotidien que subissent les populations de ces pays en France. « On pourrait parler d’autres racismes, mais moi, je suis allée là où je connais au niveau des littératures. On n’est pas obligé de lire que des essais pour en connaître davantage sur cette région. Il y a de la littérature ou encore de la poésie », indique-t-elle. « Qu’est-ce qu’on fait à l’intérieur d’une librairie avec ce qui se passe ? Eh bien, on met en valeur. On est passeuses et passeurs de livres donc on met en valeur comme on peut et là où on est à l’aise. »
Sensible aux littératures québécoises, la fondatrice de Paysages Humains a aussi tenu à valoriser les auteur·ices autochtones, issu·es d’immigration ou blanc·hes.
Pour ce qui est des sciences humaines, Chloë a reproduit un rayon transversal autour du corps comme sujet politique qu’elle avait créé à la librairie toulousaine Floury Frères. Pour son espace, elle a développé cette idée et a composé le rayon « Castor » sur les questions de lutte, de réflexion et d’action pour le climat. « Castor pour faire collectif et pour fabriquer ensemble. »
Elle a aussi constitué un petit rayon transversal autour de l’enfance, notamment pour aborder les questions de la domination adulte sur les enfants ou encore sur l’inceste. Elle met aussi en avant des ouvrages d’historien·nes qui travaillent sur les enfants et les adolescent·es dans l’Histoire. « Ça m'intéresse beaucoup de penser le passé pour accompagner le futur », indique-t-elle.
Pour la créatrice de Paysages Humains, c’est important de penser et de faire attention à sa sélection. Notamment en littérature jeunesse : « ce ne sont pas forcément des auteur·ices racisé·es mais je fais extrêmement attention à la représentation des enfants », assure Chloë. Elle conclut : « le système fait que personne ne va nous aider à penser comme ça. C’est à nous de choisir de penser comme ça. C’est une démarche politique ».
Infos pratiques
La librairie Paysages Humains se situe au 54 rue du Faubourg Bonnefoy, 31500 Toulouse. Elle est ouverte du mardi au samedi de 10 h à 19 h. Pour suivre l’actualité de la librairie, il est possible de s’inscrire à l’infolettre via le site Internet paysages-humains.fr ou alors sur les réseaux sociaux.
Instagram : @librairie_paysages_humains
Facebook : Librairie paysages humains
Wendy est la chroniqueuse spécialisée en littérature BIPOC pour Cornée mag. Elle est journaliste, acheteuse compulsive de livres et productrice du podcast Litté'Racisée. Un podcast qui met en lumière les expériences des minorités à travers les littératures racisées.
Instagram : @litteraciseepodcast
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