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Série Monstre : nous sommes en fait humain·es

Si tu es un·e accro des plateformes de streaming et qu’il t’est inconcevable de ne pas mater un épisode de quelque chose avant d’aller te coucher, tu es sûrement en train de binge-watcher Monster (Monstre en français). La série Monstres : l’histoire de Lyle et Erik Menendez disponible sur Netflix depuis mi-septembre fait un carton d’audience. Il s’agit d’une saison 2 pour la série d’anthologie éponyme complétant le succès de Monstre : l’histoire de Jeffrey Dahmer. Parmi les points communs entre ces deux saisons, la mélodie dissonante sur fond de dark romance qui fait grincer les dents.

Affiche de la saison 2 de Monstre, Netflix.

Histoires vraies

True crime, série policière, série dramatique, série criminelle, appelons-les comme on veut, le concept c’est de créer une série fictionnelle basée sur l’histoire vraie des personnages principaux mis en scène dans la série. Le genre largement plébiscité par les viewers propulse son audimat à des sommets en y ajoutant une touche de dark romance. Je vois déjà les yeux exorbités des fans de cette littérature. Ça n’a rien à voir avec les histoires vraies, et y a pas de criminels dans les œuvres de dark romance. Sauf que ça a tout à voir avec le fait de romantiser des relations toxiques, des actes souvent non consentis, des abus ou des maltraitances. Oh mais j’y pense, ça ressemblerait à ce qu’on pourrait assimiler à… un crime. CQFD.

Monstre, la série créée par Ian Brennan (Glee, Scream Queens, Hollywood) et Ryan Murphy (Nip/Tuck, American Horror Story, The Watcher) s’appuie sur l’histoire vraie de ses protagonistes, que ce soit celle de Jeffrey Dahmer, un des tueurs en série les plus dangereux qu’ont connu les USA, ou celle des frères Lyle et Erik Menendez jugés pour le meurtre de leurs parents dans les années 1990. Pour celles et ceux qui seraient impatient·es de connaître la suite des hostilités, la saison 3 se penchera sur le destin d’Ed Gein, dit « le boucher », tueur en série et voleur de cadavres. Voilà voilà…

Contrairement à la saison 1 où Ryan Murphy a choisi Evan Peters, l’un de ses acteurs fétiches, pour incarner le célèbre criminel, cette fois-ci ce sont deux jeunes comédiens en début de carrière qui jouent Lyle et Erik. Les deux criminels étant réputés charismatiques, leurs doubles cinématographiques s’avèrent remarquablement ressemblants. Nicholas Chavez, 25 ans, incarne Lyle (21 ans lors des faits) tandis que Cooper Koch, 28 ans, joue Erik, alors âgé de 18 ans.


Dans les faits

Ces deux frères ont grandi dans un environnement privilégié, mais toxique. Leur père, Jose Menendez, était un dirigeant de l’industrie du divertissement, connu pour son tempérament autoritaire et ses méthodes d’éducation strictes. Leur mère, Mary Louise, que son entourage surnomme Kitty, était une femme au foyer qui luttait contre la dépression et l’alcoolisme.

Le soir du crime, les frères ont utilisé des fusils de chasse pour tirer sur leurs parents à plusieurs reprises, les laissant méconnaissables. Ils ont ensuite quitté la maison, jeté les armes sur l’autoroute et sont allés voir un film pour se créer un alibi. À leur retour, ils ont appelé le 911, feignant la découverte des corps et jouant le rôle des fils éplorés.

Pendant plusieurs mois, les frères Menendez ont vécu une vie de luxe, dépensant l’héritage de leurs parents en voitures de sport, voyages et bijoux. Cependant, leur comportement extravagant a attiré l’attention des enquêteurs. La police a commencé à soupçonner les frères lorsqu’ils ont découvert que Lyle avait acheté une montre Rolex quelques jours après les meurtres.

Le point tournant de l’affaire est survenu lorsque le psychologue des frères, Dr Jerome Oziel, a révélé à sa maîtresse que Lyle et Erik lui avaient avoué les meurtres. Cette information a finalement conduit à l’arrestation des frères en mars 1990.

Le procès des frères Menendez, qui a débuté en 1993, est devenu un phénomène médiatique. Diffusé en direct à la télévision, il a captivé l’Amérique. La défense a plaidé l’abus, affirmant que les frères avaient subi des années de maltraitance physique, émotionnelle et sexuelle de la part de leur père, avec la complicité passive de leur mère. L’accusation, quant à elle, a dépeint les frères comme des tueurs cupides, motivés uniquement par l’argent.

Après deux procès (le premier s’étant soldé par un jury dans l’impasse), Lyle et Erik ont finalement été reconnus coupables de meurtre au premier degré en 1996. Ils ont tous deux été condamnés à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle.


Mais alors c’est quoi le problème avec Monstre ?

Si la série n’est pas fidèle à la réalité en termes de narration, comme le stipulent les frères depuis leur prison ou certains de leurs proches, cela reste une fiction et les libertés peuvent être légitimes dans la construction d’un scénario. Bref, ça fait partie des règles du jeu de la fiction « basée » sur une histoire vraie.

Le problème c’est que la série joue avec l’ambiguïté du plaisir à regarder les personnages évoluer et le plaisir des créateurs de la série à esthétiser des comportements criminels, des attitudes malsaines ou des traits physiques. Un reproche qui avait déjà été formulé à la sortie de Dahmer !

L’autre problème, ou tout du moins la question que je me pose, c’est le choix du point de vue. Il n’y a pas de point de vue qui soit neutre. Et adopter celui des auteurs des crimes pour lesquels ils ont été jugés coupables n’est pas anodin. D’autant que, selon moi, en plus de romantiser les personnages, les réalisateurs et scénaristes glorifient des tueurs et des tueurs en série.

Les créateurs de la série s’appuient sur un postulat de base : la justification du meurtre de leur parent du fait d’années d’abus subis par les deux frères. L’axe des maltraitances infligées par les parents, et notamment les actes incestueux du père sur ses enfants, est largement exploité – à défaut d’avoir pu l’être dans leur procès. Il est également dit que Lyle, le grand frère, aurait à son tour fait subir à Erik des actes incestueux. Les créateurs de la série adoptent en ce sens le point de vue des avocats de la défense. En revanche, mettre en scène les deux jeunes hommes dans des postures langoureuses, de baisers, de caresses, c’est jouer avec nos limites à nous en tant que spectateur·rices.

Pour adopter le point de vue de la défense, à savoir que le parricide serait un acte de légitime défense, il faut nécessairement que les limites entre ce qui est bien et mal soient claires. Ici, on nous dit que le parricide était de la légitime défense à cause de l’inceste, mais on nous dit aussi que l’inceste c’est sexy, c’est beau, que ça peut être acceptable quand les frères sont mis en scène en train de danser et s’embrasser après la mort de leurs parents. Ambiguë, perturbant, malsain également.

En somme, la série nous montre deux frères victimes de maltraitances intrafamiliales qui seraient légitimes, car victimes. C’est comme si on nous demandait qui sont les véritables monstres. Primo, les monstres, ça n’existe pas ; deuxio, être victime n’empêche pas d’être à son tour bourreau ; et tertio, les victimes ne choisissent généralement pas la voie du crime ou de la vengeance pour survivre à leur bourreau. En fait, être l’un (victime) n’annule pas l’autre (bourreau). Et c’est en ça que la série peut être contestée, car elle ne raconte pas cette complexité ou si elle le fait, elle glamourise des actes répréhensibles et pas d’autres, mélangeant tout, y compris le cadre du postulat de départ.

Enfin, il est important de rappeler que les monstres n’existent pas. Les ogres ou autres personnages de conte, les créatures fantastiques ou encore les figures monstrueuses développées à travers un langage mythologique n’ont de place que dans la fiction. Dans la vraie vie, nous sommes toutes et tous des êtres humains avec un point commun, assez banal certes, mais irréfutable : nous sommes mortel·les. Nous n’appartenons pas à la fiction, mais au réel et dans notre réalité régissent des lois auxquelles nous devons respect et des droits qui nous sont octroyés de manière fondamentale (en principe).


Spoiler alert

Si jamais tu n’en as pas eu assez, un documentaire viendra compléter la série fiction sur les frères Menendez. Il sera diffusé sur la plateforme Netflix dès le 7 octobre 2024. On pourra y entendre le point de vue de Lyle et Erik Menendez et retracer leur vie grâce aux 10 années d’archives traitées par le réalisateur Alejandro Hartmann.


Isabelle (she/her) est la chroniqueuse spécialisée dans la pop culture féministe pour Cornée mag. Conceptrice-rédactrice et serial storyteller la journée, elle troque son costume de brand experte le soir pour faire la lecture à son chat. Quand les essais socio-politico-philosophiques lui font défaut, elle se blottit devant une série documentaire true-crime histoire de se détendre les coussinets.

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Cécile (she/her) est la chroniqueuse spécialisée dans le cinéma et les séries pour Cornée mag. Quand elle fait une pause sur sa série du moment, elle est conseillère funéraire. Ancienne standardiste, co-animatrice et assistante d’antenne pour des émissions de radios nationales, elle est désormais lancée dans des projets d’écriture et de podcast sur le cinéma.

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Cornée est une création de l'agence éditoriale Miralta Édito

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